Travestissement

Bonjour, ce matin nous allons aborder le thème du travestissement genré, sujet hautement baroque et exploité dans les arts, mais plutôt regardé de travers par la société. Le fait que des femmes et des hommes échangent leurs vêtements, leurs activités, et leurs vies, plonge les codes sociaux de leur sexe dans un désordre carnavalesque menaçant de déranger la bonne marche de leur communauté. Nous allons examiner des cas réels de travestissement à travers une sélection de personnages historiques devenus célèbres.
Les Travesties de l'Histoire essai paru en 2014, écrit par Hélène Soumet, professeur de philosophie et de culture générale, dresse les portraits de vingt-trois femmes, nées à différentes époques dans différentes contrées, ayant choisi d'endosser de manière temporaire ou pérenne des habits d'homme afin de mener une vie plus libre.
Les femmes ayant été de longue date cantonnées à des rôles subalternes, s'approprier la vêture et l'identité masculine permis à nombre d'entre elles d'accéder à des rôles et des fonctions qui leur étaient interdites. Le travestissement s'avère être un formidable outil d'émancipation autant qu'un jeu dangereux, car les femmes travesties, à certaines époques, risquaient parfois jusqu'à leur vie pour avoir enfreint la loi. Sais-t-on par exemple qu'en France, jusqu'en janvier 2013, existait un décret obligeant les femmes à demander une autorisation préfectorale pour porter un pantalon ! Le livre est divisé en cinq parties présentant les destinées de travesties devenues religieuses, guerrières, savantes, voyageuses ou artistes. Au fil des pages, on découvre l'existence de la splendide courtisane Marguerite devenu le moine Pélage, vénérable ermite prêcheur sur le mont Sinaï, Mulan, jeune chinoise travestie en soldat pour remplacer son vieux père malade appelé à l'armée dont l'histoire a été reprise par les studios Disney, le docteur James Barry, remarquable chirurgien militaire qui cacha toute sa vie son identité de femme, Calamity Jane à la vie de cow-boy misérable et aventureuse, ou encore Billy Timpton, née Dorothy Lucille, jazzman séducteur, et bien d'autres encore. Une agréable lecture, vivante et bien documentée, que je conseille à tous les publics férus d'histoire dès le lycée.

Mauvais genre, bande-dessinée parue en 2013, scénarisée et illustrée par Chloé Cruchaudet, d'après l'essai La garçonne et l'assassin de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, s'intéresse à un cas réel de travestissement masculin. Les hommes ont en général moins de raison de se travestir, l'habit de femme ôtant des avantages sociaux et politiques plus qu'il n'en donne. Les travestis le deviennent en général pour des raisons religieuses, artistiques ou strictement personnelles, comme le peintre danois Einar Wegener, ayant pris une identité féminine, Lili Elbe, durant les années folles. Un biopic consacré à son expérience est bientôt prévu à l'écran. Parfois aussi, leur travestissement a pour simple but d'éviter ce qu'on appelle les coûts de la domination masculine, l'obligation par exemple de risquer sa peau au combat.
La belle époque touche à sa fin, Paul Grappe et Louise Landy, deux jeunes ouvriers, se rencontrent et se marient peu avant que n'éclate la Première guerre mondiale. Paul d'abord volontaire au combat est blessé à plusieurs reprises au cours de l'année 1914. Pour échapper à l'horreur des tranchées, il prend la décision de déserter avec la complicité de son épouse, et a l'idée, encore plus étonnante, de se travestir en femme pour vivre à ses côtés sans être repéré ni inquiété. Le stratagème fonctionne au-delà de toute espérance puisque Paul devenu Suzanne parvient à donner le change, se faire employer comme dentellière et devient l'archétype de la garçonne des années folles, féminine et libérée. La situation se complique encore en 1925, avec l’amnistie des déserteurs, l'affaire du travestissement de Paul arrive au grand jour, octroyant à lui et Louise une grande célébrité qui poussera le couple dans une spirale de jalousie et de violence s'achevant dans la tragédie. Voici un très bon album, au dessin semi-réaliste et au ton tragi-comique, qui mêle avec talent traumatisme de guerre et trouble dans le genre, je le conseillerai également à partir du lycée à tous les publics.  
 Terminons sur une chanson célébrant l'androgynie, à bientôt !

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