Fragments nippons

Bonsoir, nous avions récemment évoqué l'histoire contemporaine des deux guerres mondiales et de leurs conséquences en occident. J'ai décidé aujourd'hui, afin d'offrir un point de vue moins ethnocentré sur la question de la transmission historique, de présenter deux œuvres d'artistes japonais relatant elles aussi des épisodes historiques du vingtième siècle et les marques profondes qu'ils ont laissé dans la société nippone.
Le poids des secrets, pentalogie d'Aki Shimazaki, romancière japonaise vivant depuis plus de vingt ans à Montréal, a été publiée entre 1999 et 2005. Ses cinq tomes, portent chacun le nom d'un animal ou d'une plante en japonais - tsubaki/camélia, hamaguri/palourde, tsubame/hirondelle, wasurenagusa/myosotis et hotaru/luciole - et ont été rédigé en français.
Il s'agit d'une longue et complexe histoire mettant en scène deux familles et de multiples autres protagonistes. Elle est rapportée par cinq narrateurs différents - un  par tome - qui, tour à tour, vont apporter leur pierre à cet édifice et dévoiler au lecteur une partie, bien évidemment subjective de la vérité. L'épicentre du récit est le jour du bombardement nucléaire de Nagasaki par les américains en 1945, ce matin-là, une adolescente nommée Yukiko, commet un meurtre, masqué par le chaos de l'attaque avant de fuir à tout jamais la ville. Elle ne confessera son crime que bien des années plus tard, au seuil de la mort, à sa fille. Toutes deux sont installées depuis des décennies au Canada, le Japon et son histoire tourmentée semble bien loin. Ce n'est pourtant que par un étonnant retour en arrière, par la seconde guerre mondiale mais aussi les années vingt et trente marquée par l'occupation de la Corée par les japonais, entraînant l'immigration de nombreux coréens au Japon, et le tremblement de terre de 1923 ayant dévasté la région du Kanto, que l'on comprendra enfin tous les liens entre les protagonistes, les raisons de leur silences et leurs secrets. Je conseille vivement cette pentalogie à l'écriture minimaliste et poétique qui se savoure et résonne longtemps après sa lecture. 
 
Passons au film de la semaine, Le Tombeau des lucioles d'Isao Takahata, adaptation de la nouvelle éponyme et semi-autobiographique d'Akiyuki Nosaka.
L'été 1945 au sud du Japon, la ville de Kobé est ravagée par les tirs américains. Seita, un jeune adolescent et sa petite sœur Setsuko, viennent de perdre leur mère sous un bombardement. Sans nouvelles de leur père, envoyé au front, ils se retrouvent totalement livrés à eux-mêmes. D'abord recueillis par de vagues parents qui les considèrent comme un fardeau, les deux enfants se réfugient dans un abris de guerre désaffecté. Là, ils s'évadent dans des jeux et délires de leur invention, peuplant leur refuge d'un bric-à-brac d'objets hétéroclites et de lucioles chargées de veiller sur leurs nuits. N'importe quoi pour oublier leur triste réalité et la famine qui menace bientôt la vie de Setsuko. La nouvelle d'Akiyuki Nosaka est d'autant plus forte qu'elle s'inspire de sa propre expérience, singulière. Né en 1930, orphelin de mère peu après sa naissance, il est confié à une famille nourricière. Durant l'été 1945, Nosaka perd sa sœur et ses parents adoptifs, victimes des bombardements et de la malnutrition, survit de vol et d'expédients avant d'être retrouvé par hasard par son père naturel. Il deviendra romancier et chanteur, aux écrits durs parfois farouchement provocateurs. Le film d'Isao Takahata est avant tout un drame intimiste, émouvant et d'une beauté formelle touchante. L'innocence des protagonistes et la douceur du trait contrastent cruellement avec la dureté du propos. Je le conseille à tous les publics à partir du collège ou lycée, à ne pas regarder les jours de déprime !
   
Terminons par une chanson traditionnelle japonaise interprétée par un ensemble de guitares, à bientôt !
 

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