Les discrètes

Bonjour, depuis que je suis sur les réseaux j'ai pu constater qu'il y règne une assez grande diversité en même temps qu'une certaine uniformité. C'est logique : chacun a ses propres centres d'intérêts mais tout le monde essaie de faire bonne impression auprès des autre, on a beau dire que la différence et l'originalité sont des qualités recherchées ceux qui sont trop différents s'exposent toujours aux jugements et critiques les plus injustifiés, provoqués par la peur de leur singularité.
Le roman Sarn de Mary Webb (1881-1927), publié en 1924, parle avec beaucoup de sensibilité et sans mièvrerie aucune de marginalité. La différence est celle de Prudence Sarn dite Prue, née dans la campagne anglaise de la fin du dix-huitième siècle affligée d'un bec-de-lièvre - une malformation de la lèvre supérieure, fendue en deux comme un museau de lapin. Ce genre de défaut était considéré à l'époque comme une marque maléfique. L'histoire, complexe et tortueuse, est celle de la famille Sarn. Nichée dans son domaine au coeur de la campagne près d'un étang sombre, cette lignée vit de peu. A la mort du père, sévère et autoritaire, l'ambitieux Gédéon, frère aîné de Prue, décide de faire fortune mettant au pas toute la maisonnée pour travailler comme quatre, amasser toujours plus d'argent. Mais sa folie des grandeurs et sa romance avec Jancis, fille du rebouteux local peu décidé à céder son enfant à un parti si excentrique, plongera les siens et leur village dans un spirale de coups bas incontrôlés.
Difficile de résumé ce récit très dense et poétique qui tient à la fois du roman du terroir, de la tragédie familiale et du conte fantastique à cause du climat imprégné de superstitions et de magie. Le titre original est Precious bane, "Précieux fléaux", pour désigner la marque de Prue qui l'isole mais lui donne en même temps la force de garder du recul face aux évènements. C'est finalement elle la discrète, condamnée à l'ombre et à la solitude par son visage qui, par son ingéniosité et sa détermination sauvera ce qu'elle pourra de leur vie et rencontrera un véritable amour. L'auteur fut peu connue de son vivant, habitant principalement à la campagne, se tenant loin des regards à cause de sa timidité et d'une santé fragile.

Ce genre d'atmosphère me fait beaucoup penser aux dessins de Béatrix Potter (1866-1943), naturaliste et dessinatrice de livres pour enfant. Elle aussi fut une femme discrète qui passa toute sa vie à la campagne. Aucune mignardise non plus dans son travail d'une extrême précision, en dépit de l'anthropomorphisme et des mignons minois de ses personnages. Ces animaux vivent dans un monde feutré où le risque d'être mangé par un homme ou plus gros que soit est toujours présent.

Terminons par une danse irlandaise, je reviendrais début juin pour une note plus ensoleillée si le temps se montre clément d'ici là. Bon vent à tous !

Commentaires

  1. Ah il y a comme une erreur! Les images et la musique de la vidéo n'ont rien d'irlandais. Encore une facétie de la technique. A propos de Béatrix Potter. Il y a quelques années j'avais acheté un gros livre à l'Ecole des Loisirs, "Miss Charity", roman dialogué pour adolescents , inspiré de la vie de Béatrix Potter. Je l'avais bien aimé et offert à une des petites filles de mon compagnon qui avait alors 12 ans. Elle est aujourd'hui en 3ème et m'a avoué ne l'avoir jamais ouvert... Ses parents prétendent pourtant qu'elle est toujours entrain de lire(selon leurs critères!). J'en doute car ceux qui aiment lire ne peuvent s'empêcher d'ouvrir un livre, où qu'ils le trouvent!Il paraît qu'elle est très bonne élève partout et dit... "détester le français".Trouve pas intéressants les textes qu'on leur donne à lire, dit-elle...Peu importe, ses parents la voient déjà architecte, alors qu'elle ne nous parle pas de quoi que ce soit concernant cela ou autre chose d'ailleurs, quand on les voit (très rarement d'ailleurs). Mais à quoi bon vouloir changer le monde, la terre continuera de tourner.

    RépondreSupprimer
  2. Disons que les membres du groupe sont une fratrie d'Irlandais, pour ce qui est de leurs influences c'est sans doute un peu de celtique mélangé à beaucoup d'autres choses mais je ne m'y connais pas assez pour en juger. Pour ce qui est des lectures des enfants il ne faut pas désespérer, dans mon dernier emploi au CDI d'un collège, j'ai pu constater que les livres les intéressaient mais ils n'aiment pas trop qu'on leur prescrive, il faut attendre leurs demandes !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Prescrire non, mais faire découvrir tout de même, c'est important, surtout quand les enfants sont formatés dès leur plus jeune âge,à consommer ce que la pub leur vante et à faire ce que les autres font!
      Je pense à un album , que j'avais trouvé à la fois émouvant et tonique.Il présentait une réalité assez dure mais les illustrations étaient délicates et ne choquaient pas, me semble -t-il.J'ai oublié son titre, (je l'avais emprunté à la B.M.)peut-être verras-tu à quel bouquin je fais allusion: un enfant handicapé, élevé par sa mère (qui a été abandonnée si je me souviens bien) va devenir attraction de cirque ou quelque chose comme ça. De là, maintes péripéties. C'est lui qui raconte sa vie, jusqu'à sa rencontre avec la femme de sa vie...Bref, le genre de livre que les parents dont je parle n'auraient jamais donné à lire ou lu à leurs enfants (disons à partir de 9 a-10 ans)alors que pour d'autres choses, on les expose à des spectacles qui ne sont pas de leur âge sans se poser de questions. Bref les livres peuvent permettre d'apprivoiser la vie. Or une enfant de ce milieu,(baignée de dessins animés bruyants et plus ou moins violents) alors âgée de 8 ans est tombée carrément dans les paumes, à la vue d'une animatrice qui n'avait que des moignons de doigts au bout d'un moignon de main...

      Supprimer
  3. Ah, non je ne vois pas à quel livre tu fais allusion, j'avais lu "Miss Charity" mais je trouvais qu'en fin de compte c'était presque un roman pour adultes vu les thématiques graves et le ton pince-sans-rire qui peut rebuter des enfants même assez matures. Sinon pour la réaction de la petite ça tient au fait qu'on a tendance à rendre invisible les personnes handicapées dans notre société d'où l'effroi quand on en croise une.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Heureusement je note mes lectures dans un cahier! Il s'agissait de "Jesus Betz" de Fred Bernard et Francis Roca. Ce n'est pas à l'Ecole des loisirs contrairement à ce que je pensais, mais au Seuil Jeunesse, paru en 2001.Si tu ne le connais pas je te le recommande!

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés