Masque blanc
Bonjour, à l'heure où partout dans le monde la justice et le savoir s'annoncent menacés, nous allons reparler de livres, de bibliothèques et du destin méconnu d'une bibliothécaire avec le beau roman biographique d'Alexandra Lapierre, Belle Greene, paru en 2021.
Le récit débute à New York, au tournant du vingtième siècle. Belle Marion Greener, issue d'une famille afro-américaine métisse, passionnée par les livres rares, rêve d'une carrière de bibliothécaire. Les lois de ségrégation raciale faisant obstacle à la réalisation de ses projets, la jeune fille prend la décision de falsifier son identité, secondée par sa mère et ses frère et sœurs. A l'exception du père, célèbre activiste qui considère le fait de masquer leurs origines noires comme une trahison, et quitte sa famille, tous passeront la barrière des couleurs. Sous le patronyme de da Costa Greene, ils se déclarent désormais blancs, descendants d'une lignée d'aristocrates portugais. Étudiante douée et séduisante, Belle attire l'attention du banquier John Pierpont Morgan qui fera d'elle la directrice de sa bibliothèque personnelle. Devenue la coqueluche de la haute société, la jeune femme court les salles de vente d'Amérique et d'Europe à la recherche des ouvrages les plus précieux et prisés, grisée par l'aisance que lui octroie son nouveau statut, terrorisée à l'idée que l'on découvre son secret. En dépit de ses efforts, au terme d'une brillante carrière durant laquelle elle aura constituée l'ensemble des collections de la Morgan Library et ouvert ses portes au public, Belle sera rattrapée de cruelle manière par son passé. Sa vie des plus romanesques, entre ombre et lumière, est reconstituée avec finesse et affection par l'autrice à l'aide d'une importante documentation. Il en résulte une biographie passionnante aussi vivante qu'érudite que je conseille à tous les publics amateurs d'histoire culturelle.
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Esquisse de la Morgan Library par McKim, Mead & White (1902) |
Terminons par un air de soul, bien à propos, à bientôt !
Comme quoi la fraude est légitime dans une situation d'injustice. Merci pour cette présentation de livre qui donne envie de le lire. D'autant que pour moi, la situation que nous vivons actuellement ressemble au destin de cette femme où pour vivre libre, il faut dissimuler, mentir et jouer un rôle.
RépondreSupprimerBonjour , je viens de lire le roman "Belle Greene" d'après la vie de la femme du même nom. C'est assez incroyable! bâtir toute une vie sur le mensonge, quand la réalité organisée par des lois raciales stupides ne permettrait pas cette vie souhaitée, semble évident. Mais cela doit être très difficile (on le voit d'ailleurs dans le roman). Nombreuses, sans doute, furent les personnes qui profitèrent de leur apparence pour se dire "blanches", alors que la loi américaine de ce temps-là les catégorisait comme "noires" , sans craindre d'être démasquées, ce qui leur aurait valu la mort, en tout cas le bannissement social. Mais on comprend aussi le père (lui aussi d'aspect blanc et qui a réussi dans un monde "blanc") qui garde son patronyme Greener et préfère lutter en tant que "noir"( ce qu'il est selon cette loi), pour montrer l'absurdité de cette ségrégation, pour en dénoncer la bêtise et l'injustice.
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