Feux
Bonjour, pour clore un mois de janvier marqué par un nouveau couvre-feu, parlons de véritables flammes avec un récit attachant et original, Fils du feu de Guy Boley, paru en 2016. Curieux objet littéraire rédigé par un auteur qui a exercé mille métiers avant de se mettre à l'écriture.
La trame narrative est simple. Le narrateur décrit l'univers de son enfance dans les années cinquante au sein d'un milieu populaire. Fils de ferronnier, le garçon grandit à l'ombre de la forge, fasciné par la force des hommes, leur combat répété pour dompter feu et métaux. A cet univers viril de fer et de flammes s'oppose le monde des femmes, la tiédeur de la maison, humide de l'eau des lessives et du sang des grenouilles accommodées pour les repas. Le petit garçon couve les adultes d'un regard tour à tour admiratif et circonspect mais pousse sans soucis jusqu'au décès brutal de son frère cadet. Face au drame, le père fuit dans l'ivresse, et la mère s'installe dans le déni, inventant une existence factice au petit défunt. Autour de la famille endeuillée, le monde ne cesse pas de tourner, la forge devient obsolète et ferme ses portes alors qu'adviennent les Trente glorieuses avec leur cortège de plastique et de préfabriqué. Les enfants survivants, le narrateur et sa sœur, suivent le mouvement et s'échappent à leur tour. Lorsqu'ils reviendront, des décennies plus tard, vider la maison de leurs parents décédés, le fils devenu peintre, aura appris à combler de couleurs une toile vide. Dire enfin la perte de l'enfant, du rapport au feu ancestral créateur et destructeur. Ce roman, aussi court que dense, à l'écriture organique et crue, convoque les quatre éléments dans un joyeux mélange de références savantes et populaires. Il en résulte un alliage nostalgique dépourvu de mélancolie que je conseille dès le lycée à tous les lecteurs amateurs de poésie brute.
Vulcain forgeant la foudre de Jupiter par Peter Paul Rubens (1637) |
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