Chemins médiévaux

Bonjour, ce matin nous allons parler de littérature et de cinéma centrés sur le Moyen-Âge. Cette longue période d'un millénaire fut longtemps quelque peu boudée et déconsidérée tant par les chroniqueurs que par le grand public, traînant une réputation injustifiée d'âge sombre et  régressif sur les plans intellectuels, technologiques et artistiques. Les historiens redécouvrent aujourd'hui ses mérites et ses beautés. Commençons notre revue par un roman Du domaine des Murmures de Carole Martinez, paru en 2011, fable tendre et féroce.
En l'an de grâce 1187, Esclarmonde, jeune noble, fille du seigneur des Murmures, domaine perdu dans les méandres d'une verte vallée jurassienne, rompt ses fiançailles à la stupéfaction de tous. Rêvant de s'élever au dessus de la condition de simple épouse, elle choisit de consacrer sa vie à la prière, emmurée dans le reclusoir d'une petite chapelle accolée aux flancs de son château. Une voie qui lui permettra d'atteindre un destin hors du commun, loin de la tranquillité et de la solitude espérées. La jeune fille est en effet violée le jour de son enfermement et donne naissance à un fils dans le secret de son cloître, enfant qui est aussitôt acclamé par tous comme le rejeton miraculeux d'une vierge, alors qu'elle-même est vénérée à l'égal d'une sainte. Elle devient alors conseillère et confidente des histoire et secrets colportés ça et là, des membres de la noblesse aux plus humble paysans et pèlerins, tous se pressent pour entendre sa voix et répandre ses directives. Le domaine des Murmures est ainsi transfiguré par la grâce de la fiction tissée autour d'Esclarmonde en une enclave préservée de la mort et traversé de phénomènes magiques, carrefour et chambre d'écho de tout un monde médiéval rude, rongé par la misère, les épidémies et l'effort de guerre des croisades. Cette trame forme un roman inclassable, entre le conte médiéval, le récit philosophique et parfois la saga épique selon les personnages et le point de vue choisis, l'écriture à la fois sobre et poétique rend à la perfection l'atmosphère fantastique du récit. Une excellente lecture à découvrir dès le lycée !

En hommage au romancier Umberto Eco, récemment décédé, poursuivons avec l'un de ses plus fameux livres, Le Nom de la rose/Il nome della rosa, publié en 1980 et adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud en 1986, thriller médiéval et admirable métaphore du pouvoir des livres !
L'intrigue débute en l'an de grâce et de disgrâce 1327. La chrétienté est en crise, Guillaume de Baskerville, ex-inquisiteur accompagné du jeune Adso de Melk, novice et narrateur de cette histoire, est mandé dans une abbaye bénédictine du sud de la France où doit se tenir une importante assemblée ecclésiastique durant laquelle s'affronteront les fidèles de l'opulente papauté et les frères franciscains, partisans de réformes d'austérité. L'abbaye vit des temps troublés, un moine vient d'y trépasser dans d'étranges circonstances, et, alors que les deux protagonistes mènent l'enquête, les morts suspectes se multiplient. Qui est donc l'assassin ? Quels secrets cachent ces moines au cœur de leurs alcôves et de la somptueuse et labyrinthique bibliothèque veillée avec une implacable jalousie par un vieil érudit aveugle ? L'intrigue se noue sur sept jours, scandée par le rythme des offices. Au fil des heures il sera question d'hérésie et de philosophie aristotélicienne, de la cruauté de l'inquisition, de livres interdits pourtant pieusement conservés, d'alliances théologiques et amicales douteuses, de l'amour et de la sensualité d'une jeune femme accusée de sorcellerie, et du rire, omniprésent par l'humour de l'auteur, qui est le sujet-clé du récit et transfigure cette grinçante et érudite enquête. Je conseille vivement ce livre brillant, touffu et passionnant à tous les lecteurs chevronnés dès le lycée, certains passages étant un peu tortueux pour des novices. Ci-dessous, la bande-annonce de l'adaptation d'Annaud, attrayante quoique légèrement différente du livre puisqu'elle joue d'avantage sur le spectaculaire. La gigantesque bibliothèque est très bien rendue !
Et pour conclure, un exposé historique aussi érudit qu'hilarant de la première croisade, je vous conseille vivement de découvrir cette chaîne, à bientôt !

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