Portraits d'ombre et de lumière

Bonsoir, depuis quelques jours les médias, et avec eux pas mal de gens, n'ont plus que le mot football à la bouche, ce qui ne m'embêterai pas personnellement si on ne s'abstenait pas de parler des sujets qui fâchent et sont tus concernant la situation du Brésil, la pauvreté, la prostitution infantile et bien d'autres choses...
http://cqfd-journal.org/La-Coupe-du-monde-n-aura-pas-lieu
Cette semaine, de nombreuses fêtes en perspective, le solstice et l'arrivée de l'été le 21, instauré fête de la musique depuis 1982 - je vous ferais peut-être un compte-rendu des manifestations présente à Lyon où je retourne ce week-end - ainsi que la commémoration de l'appel du général de Gaulle le 18, également jour de mon anniversaire mais cela n'intéresse à juste titre que très moyennement le reste du monde ;)
Je préfère aujourd'hui rendre hommage aux œuvres de deux grandes poétesses, l'une dont la vie, l'oeuvre et les combats sont entrés dans l'histoire, l'autre étant demeurée dans l'ombre sa vie entière. J'ai choisit de présenter deux de leurs poèmes qui me paraissent deux peintures d'intéressantes personnalités de femmes antagonistes, toutes deux intelligentes mais l'une affirmée, l'autre mystérieuse.
Maya Angelou, née Marguerite Johnson en 1928, morte le 28 mai dernier fut une femme aux multiples vies, écrivaine, poétesse, actrice et militante, figure emblématique du mouvement noir-américain pour les droits civiques. Voici l'un de ses plus fameux poème Pourtant je m'élève / And Still I Rise extrait du recueil éponyme publié en 1978 dans lequel l'artiste affirme sa détermination à ne pas se laisser abattre par les épreuves de la vie.
Femme noire au turban par Frédéric Bazille (19841-1870)
Vous pouvez me rabaisser pour l’histoire 
avec vos mensonges amers et tordus,

Vous pouvez me traîner dans la boue
Mais comme la poussière, je m’élève pourtant
Mon insolence vous met-elle en colère ? 
Pourquoi vous drapez-vous de tristesse


De me voir marcher comme si j’avais des puits de pétrole 
pompant dans ma salle à manger ?

Comme de simples lunes et de simples soleils,
Avec la certitude des marées
Comme de simples espoirs jaillissants,
Je m’élève pourtant.

Voulez-vous me voir brisée ? La tête et les yeux baissés ?
Les épaules tombantes comme des larmes.
Affaiblie par mes pleurs émouvants.

Est-ce mon dédain qui vous blesse ?
Ne prenez-vous pas affreusement mal
De me voir rire comme si j’avais des mines
d’or creusant dans mon potager ?


Ma sensualité vous met-elle en colère ?
Cela vous surpre
nd-il vraiment
De me voir  
voir danser comme si j’avais des

Diamants, à la jointure de mes cuisses ?

Hors des cabanes honteuses de l’histoire
Je m'élève

Surgissant d’un passé enraciné de douleur, je m’élève
Je suis un océan noir, bondissant et large,
Jaillissant et gonflant je tiens dans la marée.
En laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur
Je m’élève
Vers une aube merveilleusement claire
Je m’élève
Emportant les présents que mes ancêtres m’ont donnés,
Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave.

Je m'élève
Je m'élève
Je m'élève

Gertrud Kolmar, de son vraie nom Gertrud Käthe Chodziesner, née en 1894, écrivaine et poétesse juive allemande, dont l'oeuvre demeure encore aujourd'hui méconnue. Préceptrice pour enfants handicapés, elle mena une existence discrète, toute dévouée à son écriture et à ses vieux parents. Elle mourut assassinée à Auschwitz en mars 1943. Sa sœur fit publier leur correspondance et ses poèmes après la guerre. En voici un dont j'apprécie particulièrement l'atmosphère onirique envoûtante.
Madonna Pietra degli Scrovigni par Marie Spartali Stillman (1884)
Métamorphoses

La nuit je veux l'enrouler autour de moi comme un drap chaud
elle avec ses étoiles blanches, avec sa malédiction grise
avec ses bouts ondoyants, qui traquent les coqs des jours,
je pends dans les charpentes aussi raide qu'une chauve-souris,
je me laisse tomber dans l'air et je pars en chasse

Homme, j'ai rêvé de ton sang, je te mords jusqu'à la blessure,
je me love dans tes cheveux et j'aspire ta bouche.
Au-dessus des tours émondées les cimes du ciel sont noires.
De leurs troncs dénudés suinte de la résine vitreuse
vers des coupes invisibles de porto

Dans mes yeux marron demeure le reflet,
Avec mes yeux marron doré je pars chercher ma proie,
je capture poisson dans les tombes, celles qui se tiennent entre les maisons
je capture poisson dans la mer : et la mer est une place plus loin
avec des mats brisés, des amours noyés.

Les lourdes cloches du navire sonnent venant de la forêt des algues.
Sous la forme du navire se fige une forme d'enfant
Entre nous les eaux voyagent, je ne te garde pas.
Derrière des vitres gelées luisent des lampes bariolées et blanches,
des cuillères livides coulent dans le bol, glace multicolore ;
je vous appâte avec des fruits rouges, faits avec mes lèvres

je suis un petit en-cas dans le gobelet de la nuit.

Terminons par la découverte musicale du moment, Christine and The Queens, je vous souhaite une bonne semaine à tous !

Commentaires

  1. Deux beaux poèmes! merci Ismène de nous avoir fait découvrir ces deux poétesses.

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