Science-fiction et réalités

Bonjour, actuellement tout le monde ne parle que du mariage homosexuel. Pour certains, c'est une catastrophe, pour d'autres un grand progrès et pour les sociologues, c'est avant tout une question d'évolution anthropologique. Le sens du mariage civil a changé, auparavant il s'agissait de l’institution qui donnait un père aux enfants d'une femme, d'où un contrôle strict de la sexualité féminine afin de faire coïncider le plus souvent possible les paternités sociale et biologique. Actuellement, les choses sont beaucoup plus compliquées avec la possibilité de connaître la paternité biologique, le fait de dissocier sexe et procréation, la notion de mariage plus considéré comme l'union de deux clans mais de deux personnes qui s'aiment, etc.

Personnellement si je suis assez pour accorder le droit de se marier et d'adopter à deux humains adultes et consentants, les histoires de procréation médicalement assistée me paraissent plus contestables. Cela me semble un peu malhonnête de réduire un des géniteurs d'un enfant à cette seule fonction même si les deux parents qui l'élèvent assurent bien leur rôle, on ne peut donner le prima absolu au biologique pas plus que l'on ne peut l'escamoter.

Ces questions sur la sexualité, la filiation, le biologique et le culturel sont souvent posées par les récits de science-fiction, genre pourtant souvent considéré comme relevant du pur imaginaire. Passons-en quelques uns en revue. Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley présente une société dont les buts principaux sont la jouissance et la production. Il n'existe plus de famille - sauf dans les réserves de "sauvages" - les enfants sont conçus dans des machines, éduqués au sein de pouponnières où ils reçoivent un conditionnement physique et psychologique pour être affectés à différentes classes sociales.  

Le roman fut rédigé en 1931 et critiquait très explicitement la société de consommation, le fordisme mais aussi l'eugénisme qui n'a pas réalisé des projets moins délirants. L'un des aspects les plus méconnus du nazisme fut les "Lebensborn", à l'origine des maternités devenues lieux de rencontre où des femmes allemandes considérées comme "aryennes" pouvaient concevoir des enfants avec des SS. On adjoignait à ces petits d'autres enfants aux caractéristiques souhaitées, volés en masse dans les pays annexés au reich - Pologne, Ukraine, pays baltes - le but étant d'en faire des adultes dévoués, parfaitement aryens.

Un autre roman Les amants étrangers de Philip José Farmer publié en 1961, s'attaque aux problèmes du puritanisme et du racisme américains de l'époque.

 

Le héros, Hal Yarrow, est un linguiste mal à l'aise dans un monde régi par le Clergétat, institut religieux totalitaire. Une expédition spatiale lui permet de quitter la Terre vers Ozagen, accueillante planète forestière peuplée d'insectes géants sympathiques - pour une fois ! - qui l'aident à remettre en cause ses croyances. Sa rencontre déterminante est cependant Jeannette, ravissante créature d'apparence humaine qui l'initie à l'amour. Il s'avèrera qu'elle est elle aussi issue d'une espèce insectoïde, une race uniquement composée de femelles très puissantes mais vulnérabilisées par un mode de reproduction particulier. On peut reconnaître derrière ces extraterrestres une métaphore des femmes, incarnant le charme de l'érotisme et la part animale de l'enfantement, tout comme les ozageniens opprimés peuvent représenter les noirs américains.

Je n'en dis pas plus, lisez-le et si vous avez le temps lisez le bel article que Marika Moisseeff lui a consacré "Les Lolitas où l'histoire d'une altérité structurelle"  

http://www.cairn.info/publications-de-Moisseeff-Marika--2282.htm et un autre article plus général sur la procréation dans les mythes de science-fiction.

http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/44/45/70/PDF/MytheSFmoisseeff.pdf

Et enfin, je ne peux que recommander à ceux qui aiment les sagas familiales pleines de bruit et de fureur la série bd La caste des Meta-barons par Jodorowski et Jimenez. Les personnages quoiqu'impitoyables guerriers galactiques sont avant tout des humains tourmentés par une destinée tragique, à l'image d'Aghora, père-mère du dernier des Meta-barons, hermaphrodite isolé dont l'unique amie, son ancienne nourrice, est un animal moitié tarentule moitié louve !    

      La prochaine note traitera de sujets plus historiques, en attendant bonne semaine à tous :-)