Disette

Bonjour, le récent décès de la reine Elizabeth II ayant mis en lumière les tensions persistantes entre l'Angleterre et ses anciennes colonies, nous parlerons aujourd'hui de la grande famine irlandaise avec le roman Grace de Paul Lynch, paru en France en 2019.
La scène inaugurale annonce d'emblée la rudesse de l'ouvrage. Par un matin pluvieux d'octobre 1845, dans une masure du comté de Donegal, Grace, quatorze ans, est tirée de son lit par sa mère qui, sans ménagement, coupe sa chevelure. Veuve chargée d'enfants, vivant sous la coupe d'un cruel propriétaire et dépourvue de ressource face à la disette, elle envoie son aînée chercher sa pitance sur les routes, travestie en garçon. Commence pour Grace une longue et périlleuse épopée à travers l'Irlande affamée. Une terre exsangue, dévastée par le mildiou et la politique désastreuse des Anglais, sur laquelle morts et vivants se confondent comme au temps des légendes anciennes. Tour à tour gardienne de bétail, brigande et pénitente, l'adolescente se bat sans trêve contre la faim, les intempéries et la violence des hommes, prêts à tout pour survivre. Le fantôme taquin de son frère Colly, emporté par les flots d'un torrent au début de leur périple, constitue son seul soutien. Un lien ténu avec le passé qui malgré les épreuves ne faiblira pas. Au terme de ces années d'errance, Grace, devenue femme après avoir frôlé la mort, retrouvera sa terre natale et finira par atteindre, sinon la rédemption, du moins une forme d'apaisement. L'auteur dépeint cette traversée de la misère d'une plume sensorielle et hallucinée qui donne l'illusion d'avoir partagé le sort de personnages d'un tableau de Bosch ou de Brueghel. Il en résulte un récit poignant que je conseille dès le lycée à tous les lecteurs amateurs d'histoires de survie.
Dans un foyer irlandais durant la Grande Famine, gravure colorisée, anonyme vers 1850
Terminons par une chanson traditionnelle irlandaise, à bientôt !



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