Rémanences

Bonjour, à l'heure où, dans le sillage de la pandémie, le deuil étend son ombre sur le monde, nous allons encore parler de spectres et défunts avec Petit éloges des fantômes recueil de nouvelles de Nathacha Appanah, romancière franco-mauricienne, paru en 2016.

Ces sept courtes nouvelles sont autant d'explorations du rapport aux disparus, qu'il s'agisse de proches défunts, d'amis et amours enfuis, d'une certaine image de soi diluée avec le temps jusqu'à en être devenue méconnaissable ou même de la rémanence destructrice d'une catastrophe naturelle. Les trois premiers textes, à caractère autobiographique et situés sur l'île Maurice, sont centrés sur la relation de l'autrice à ses grand-parents, anciens cultivateurs issus de l'immigration indienne. Une tendre complicité avec ces représentants d'un monde déjà lointain dont elle conserve le précieux souvenir par delà leur mort. La nouvelle intitulée Hollanda relate l'étrange accès de folie qui s'empare de la population mauricienne après le passage d'un cyclone particulièrement dévastateur. Les nouvelles suivantes mettent en scène des protagonistes venus de divers horizons, hommes et femmes tourmentés par une absence. Que les disparus n'aient laissé que d'imperceptibles traces, maigres reliques chargées de mélancolie, ou, à l'inverse, qu'ils réapparaissent de façon obsédante sous forme de visions ou d'insomnie persistante, ceux qu'ils ont laissé derrière eux doivent se résoudre à trouver la meilleure manière de vivre avec leur absence. En dépit de ses accents fantastiques parfois troublants, la plume de l'autrice demeure toute en délicatesse. Son recueil est dédié, comme elle l'écrit dans sa préface, à l'acceptation du deuil, aux mots comme moyens donnés à chacun d'apprivoiser ses fantômes. Il en résulte un ouvrage sensible et poétique que je conseille dès le lycée à tous les bons lecteurs en quête de réconfort.

Sirène et poissons ballons par Koloman Moser (1900)

Terminons au piano avec quelques préludes, à bientôt !