Paillettes

Bonsoir, aujourd'hui nous parlerons d'art et de paraître avec un roman inédit d'Alexandra David-Néel, la célèbre femme de lettres exploratrice de l'Asie, morte dans sa cent-unième année en 1969. Rédigé vers 1902 et conservé parmi les manuscrits de sa maison de Digne-les-Bains, Le Grand Art est paru pour la première fois en octobre 2018.
Ce récit, présenté comme le journal intime d'une jeune actrice, est largement inspiré de l'expérience de l'autrice qui fut chanteuse et journaliste pour des publications féministes et anarchistes avant de se lancer sur les routes. S'y mêlent diverses influences, des biographies de demi-mondaines fameuses aux romans-feuilletons mélodramatiques de l'époque. L’ascension de Cécile Raynaud, petite comédienne de province, de ses premières prestations dans les théâtres populaires jusqu'à son triomphe à l'opéra de Paris dans le rôle prestigieux de la courtisane Thaïs, s'avère aux antipodes d'une success story lisse. La narratrice décrit sans complaisance d'une plume ironique et mordante traversée d'accents passionnés tous les travers et déconvenues de la vie de cabotine. La difficulté à trouver des rôles, les cachets misérables des débutants gagnant à peine de quoi survivre, les rivalités et intrigues incessantes entre artistes, l’obsession du paraître et surtout, l'omniprésence de la prédation masculine. L'aura de paillettes dont on entoure les femmes artistes dissimule mal leur fonction de bétail destiné à être exhibé et rapidement consommé par l'industrie du spectacle où seules quelques unes trouveront la consécration. Loin des songes d'enfant de Cécile qui se rêvait prêtresse vouée au culte des beautés de la créativité humaine. Les choses sont-elles si différentes aujourd'hui ? De cet aperçu de la vie d'artiste à la Belle Époque résulte un roman dense au ton lyrique et quasi-ethnologique que je conseille à tous les publics amateurs de spectacle.
Devant le théâtre du Vaudeville par Jean Béraud (vers 1900)
Terminons par un extrait de l'opéra Thaïs de Massenet, à bientôt !

Commentaires

  1. Je lis ton blog cette fois avec pas mal de retard! Fin d'année scolaire (qui finalement est aussi la fin d'année de diverses assocs) fort occupée. L'évocation de la vie difficile des starlettes de la Belle Epoque et des artistes ou se voulant tels de ce temps-là, me ramène au "Petit Chose" d'Alphonse Daudet, que je viens de relire! Je l'avais lu dans mon enfance (est-ce possible!!) et n'en avais retenu que la 1ère partie. Par la suite, on est plongé dans le Paris des "artistes" qui veulent percer, qui se piquent d'écrire,qui rêvent de fréquenter des "gens intéressants" et vivent couverts de dettes dans une mansarde.En même temps on a la mauvaise artiste, aventurière sans gloire, qui va mettre sa griffe sur ce lâche Petit Chose qui se laisse balloter par les événements...Livre très daté!Je ne sais si des personnes de ta génération aujourd'hui le liraient, moi je l'ai relu avec plaisir...mais j'ai 70 ans.

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    1. De nos jours, on lit plutôt les "Lettres de mon Moulin" de Daudet, un livre plus abordable et intemporel. Après les clichés ne font pas nécessairement un mauvais livre, ils correspondent souvent à l'esprit du temps, le roman de Néel n'en est pas dépourvu non plus. Mais cela peut rebuter si on n'a pas l'habitude de lire d'un œil critique en prenant en compte le contexte.

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