Anthologie forestière

Bonjour, ce matin, présentation de poèmes sur le thème de la forêt à l'heure où, enfin, la nature refleurit après un drôle d'hiver tiède et pluvieux. Voici pour commencer un texte de Leconte de Lisle (1818-1894), extrait de ses Poèmes barbares, recueil paru en 1872, dans lequel la beauté et la rigueur formelles exaltées par les membres du Parnasse, décrit une scène de chasse onirique au sein d'une jungle. Le décor exotique est inspiré de l'île de la Réunion où le poète passa une partie de son enfance et des topos de peintures exotiques de l'époque.

Le rêve du jaguar

 

Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
C'est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d'une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit au soleil
Il s'affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
D'un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ;
Et, dans l'illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rêve qu'au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.
Le rêve par Henri Rousseau dit le douanier (1910)
Continuons avec un poème de Bronisława Wajs dite Papusza (1908-1987), poétesse tzigane polonaise, est connue pour ses poèmes et ballades, odes mélancoliques à la nature évoquant également les persécutions nazies dont sa communauté fut victime durant la Seconde guerre mondiale. Elle fut célèbre pour être la première auteure tzigane traduite et publiée en Pologne communiste ce qui lui vaut aujourd'hui une reconnaissance internationale, mais lui attira la défiance de sa communauté dans le contexte tendu de la guerre froide.
  
En guise d'avertissement
……
Seigneur, où dois-je aller ?
Que puis-je faire ?
Où trouverai-je
Les légendes et les chants ?
Je ne vais pas dans la forêt,
Je ne rencontre pas les fleuves.
O toi l’arbre, mon père,
Mon père noire !
Le temps des Gitans errants
Est depuis longtemps passé.
Mais je les vois, brillants,
Forts et clairs comme l’eau.
On l’entend
Vagabonder
Lorsqu’elle veut parler.
Mais la pauvre elle ne peut parler (….)
(….) l’eau ne regard pas en arrière.
Elle fuit, s’en va toujours plus loin,
Où les yeux ne la verront pas,
L’eau est vagabonde.

Des fées dansantes par August Malmström (1866)
Terminons par un court morceau itinérant, à bientôt !

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