Aventures et exils maritimes

Bonjour, ce matin comme promis une note historique, nous parlerons de destinées de naufragés, en l’occurrence celles de personnages peu connus du grand public. A l'heure où les populations qui en ont les moyens partent en villégiature à l'autre bout du monde lors de voyages d’agrément, il ne faut pas oublier que jusqu'à une époque récente la navigation était une aventure périlleuse en soi, dont on était pas toujours certain de revenir. Le roman de Daniel Defoe Robinson Crusoé paru en 1719, relate la survie durant vingt-huit ans d'un marin de York échoué sur une île proche de la côte sud-américaine, il a été inspiré par le cas réel d'Alexandre Selkirk (1676-1721), marin écossais abandonné durant quatre ans sur une petite chilienne pour avoir refusé de suivre son équipage dans un sentier maritime trop périlleux.
Commençons par l'histoire de Marguerite de la Rocque (ou Roque), noble dame de la Renaissance - ses dates de naissance et décès nous restent inconnues - dont la destinée devint quasi-légendaire.
Marguerite de la Rocque possédait des terres dans le Languedoc et le Périgord, elle était également une parente du navigateur Jean-François de la Rocque de Roberval, parti coloniser le Canada en 1541, qu'elle accompagna dans son périple. Durant la traversée - ou avant selon les sources - elle devint l'amante d'un marin qui, pour avoir commis quelque acte de traîtrise, ou par conflit de pouvoir fut abandonné sur l'île aux Démons située dans le golfe du fleuve Saint-Laurent. Marguerite, enceinte, s'engagea à partager le sort de son compagnon, et tous deux furent débarqués avec une servante dont on leur avait concédé l'aide. L'enfant de Marguerite mourut peu après sa naissance, bientôt suivi par son père et la servante, tous vaincus par le froid et la maladie sévissant au court du long et rigoureux hiver canadien. La jeune femme demeura donc seule durant plusieurs années, survivant de la chasse, pêche et cueillette, guettant un secours. Elle fut finalement recueillie par des pêcheurs et rapatriée en France. L'île aux Démons fut rebaptisée île de la Demoiselle en son honneur, l'histoire de Marguerite de la Rocque devint vite célèbre et relatée par différents écrivains comme Marguerite de Navarre qui en fait mention dans son Heptaméron. Bien d'autres romans et œuvres ont été inspirés de son récit.
Tout aussi saisissante fut la vie de Narcisse Pelletier (1844-1894) marin vendéenne naufragé à l'adolescence sur la côte australienne où il vécut dix-sept ans.
Issu d'un milieu modeste, fils de bottier, Narcisse Pelletier, attiré par le grand-large s'engage en 1856 comme mousse. Après quelques mois de cabotage, il prend la mer sur un trois-mâts faisant voile vers l'Océan Indien. Le navire fera naufrage, deux ans plus tard, aux abords d'une île de Nouvelle-Guinée. Les survivants, partis en chaloupes s'échouent sur la côte nord-est australienne où Narcisse, trop jeune et encombrant aux yeux du capitaine, est abandonné. Le jeune garçon est peu après recueilli et adopté par les membres d'une tribu aborigène. Rebaptisé Amglo, il est initié aux mœurs et coutumes de cette civilisation de chasseurs-cueilleurs aux antipodes de la sienne où il demeurera, plutôt heureux, jusqu'en 1875. A cette date, Narcisse Pelletier est rapatrié de force par des marins anglais de passage fort étonnés de la présence d'un homme européen parmi les aborigènes. De retour en France, on voulut en faire un objet de curiosité, un "sauvage blanc" à exhiber. Il choisit la vie la moins exposée possible se mariant et devenant gardien de phare. De son expérience il nous reste le petit livre d'un chroniqueur vendéen Constant Merland, auquel il se confia, écrit à caractère ethnographique où Narcisse détaille surtout la vie sociale et politique de son clan d'adoption, restant pudique sur sa vie personnelle. L'histoire de Narcisse Pelletier a inspiré la recherche ethnographique australienne ainsi que quelques fictions, la dernière en date étant une bande-dessinée, scénarisée et illustrée par Hubert Campigli alias Chanouga dont le premier tome est paru en avril 2014, à découvrir entre autres pour les superbes images maritimes.
 Terminons sur un poème de Joachim du Bellay "Heureux qui comme Ulysse" mis en musique, à bientôt !

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