Sentiers battus

Bonjour, cette semaine j'avais envie de vous faire partager des histoires vraies de destinées particulières, nous parlerons des vies de deux enfants sauvages. Il existe quantité de mythes autour des enfants sauvages, bébés élevés dans les bois par des animaux comme Romulus et Rémus, Tarzan ou Mowgli, héros nourris par des loups pour n'en citer que quelques-uns.
On sait aujourd'hui qu'il est impossible pour un nouveau-né humain de survivre sans contact avec ses semblables, les enfants sauvages sont essentiellement des personnes abandonnées dans la petite enfance hors des villes et ayant poussé tant bien que mal dans ces environnements éloignés de tout contact social, ou bien des "enfants-placard" séquestrés et maltraités qui n'ont pas pu non plus grandir normalement du fait de leur isolement sensoriel et affectif.
Victor est sans doute l'un des plus célèbres d'entre eux, aperçu pour la première fois dans le Tarn en 1797, il est débusqué par trois chasseurs un jour de janvier 1800 à l'âge de dix ou douze ans dans une forêt de l'Aveyron. Nu, voûté, hirsute et noir de crasse, incapable de parler et terriblement agressif.
Après un passage dans diverses institutions de la région, l'enfant est convoyé vers la capitale où une kyrielle de savants, professeurs et naturalistes se penchent sur son cas, émettant à son sujet une foultitude d'hypothèses des plus réalistes au plus absurdes. On s'est longtemps interrogé pour savoir si ce petit garçon était sourd, si son retard mental était du à son isolement prolongé ou à un handicap préalable qui aurait motivé son abandon. Il sera finalement confié en 1801 au docteur Jean Itard (1774-1838) pionnier dans les domaines de la surdité et de l'éducation spécialisé qui le baptise Victor et se donne pour mission de le rééduquer jusqu'à une pleine réinsertion dans la société des humains. Expérience qui s'avère un demi-échec car si Victor retrouva en quelques années un comportement à peu près normal, la capacité d'accomplir des travaux domestiques et de se faire comprendre de son entourage, il ne parvint jamais à parler - ou peut-être refusa-t-il de le faire ? - et mourut en 1828 vers l'âge de quarante ans. L'histoire de Victor de l'Aveyron a inspiré de nombreux artistes, le réalisateur François Truffaut pour son film L'Enfant sauvage sorti en 1970 qui retrace les premières années d'apprentissage de Victor et sa relation complexe avec Itard, ainsi que le romancier américain T.C Boyle. Ci-dessous une gentille parodie du film de Truffaut par le dessinateur Gotlib parue dans la Rubrique-à-brac !
Tout aussi remarquable et encore plus tortueux fut le destin de Marie-Angélique Le Blanc (1712-1775) conté dans la bande-dessinée Sauvage sortie ce mois de janvier, scénarisée par Aurélie Bévière et Jean-David Morvan, et illustrée par Gaëlle Hersent.
Septembre 1731, au cœur d'une forêt de la Marne une jeune femme noire, hirsute, à demi-nue tombe sous la balle d'un chasseur, quelques jours plus tard, une seconde jeune femme d'aspect tout aussi sauvage, griffue, sale et plus véloce qu'un écureuil, est capturée aux abords du paisible village de Songy. Mise sous la protection des châtelains des lieux, elle est confiée aux religieuses d'un couvent où, peu à peu, la jeune femme sauvage commence à se réhumaniser, réapprenant à parler, s'habiller, manger de la nourriture cuite et livrer son passé qui lui revient par bribes. Marie-Angélique est née sur les terres de l'actuel Wisconsin au sein de la tribu Mesquakie - "Renard" en langue indigène - à l'époque des colons français et anglais disputaient leur territoire aux clans locaux tout en se livrant une guerre impitoyable. La petite fille est, comme de nombreuses jeunes indiennes, confiée en butin à une famille aristocratique française vers l'âge de six ans. Baptisée et renommée, elle suit cette famille dans ses pérégrinations du Canada à la France où elle est à nouveau confiée à Marseille aux mauvais soins d'un négociant en soie en dette d'un paiement. De là, la piste se brouille, Marie-Angélique prend la fuite avec une autre petite esclave étrangère, nul ne sait comment les deux enfants ont survécu une dizaine d'années dans les bois. Devenue une femme de lettres protégée de la reine, célèbre pour son autobiographie et sa connaissance de la botanique, Marie-Angélique Leblanc demeura toute sa vie une femme solitaire et discrète qui mourut en conservant bien des secrets. Un bel ouvrage pour une histoire d'une grande richesse que je vous recommande. Ci-contre, le site la bande-dessinée à consulter pour de plus amples informations. http://marieangelique.blogspot.fr/
Terminons sur un beau chant d'une artiste américaine aux origines amérindiennes, à bientôt pour de nouvelles revues hors des sentiers battus !

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