Persistance de la mémoire

Bonjour, dernière note avant les vacances comme prévu, je vous propose ce matin un choix de belles lectures estivales sur le thème de la mémoire et de la découverte. Le goût des pépins de pomme/Der Geschmack der Apflekerne premier roman de Katharina Hagena, professeur universitaire allemande spécialiste de Joyce, paru en France en 2012 se présente comme un récit assez classique traité de manière peu conventionnelle.
Dans le petit village de Bootshaven, dans le nord de l'Allemagne, au début des années quatre-vingt-dix, Bertha, vieille femme atteinte de troubles de la mémoire, vient de mourir. Ses trois filles et sa petite-fille Iris, la narratrice, réunies pour la lecture du testament, découvrent avec stupeur que c'est à cette dernière qu'a été léguée la vaste demeure familiale. Iris doit-elle quitter Fribourg, où elle occupe un poste de bibliothécaire, pour refaire sa vie dans une province perdue de vue depuis des années ? Des lieux, la jeune femme ne conserve que des souvenirs de vacances épars, la trace d'un drame vécu à l'adolescence, et quelques amis d'enfance retrouvés adultes, métamorphosés. Elle choisit de s'installer quelques jours dans sa nouvelle propriété, le temps de réfléchir et prendre une décision une décision sur son futur, alors que, bribe après bribe, les évènements de son passé et de celui des générations précédentes se rappellent à elle à travers les sensations qu’exhalent les lieux. Couleurs des meubles, de la végétation, odeur de terre, de poussière, sons des vivants et goût des fruits en abondance. Une attachante saga familiale contée de manière très originale et sensuelle, comme une madeleine de Proust où présent et passé s'entremêlent avec talent. A découvrir !
"Quand nous étions encore toutes petites, c'étaient les secrets cachés sous les dalles qui nous attiraient, plus tard ce fut le soleil couchant. Cet escalier extérieur était un lieu merveilleux. Il appartenait tout à la fois à la maison et au jardin. Il était pris d'assaut par un rosier grimpant, et quand la porte d'entrée restait ouverte, l'odeur des pierres du vestibule se mêlait au parfum des roses. L'escalier n'était ni en haut ni en bas, ni dedans ni dehors. Il était là pour assurer en douceur mais avec fermeté la transition entre deux mondes. Ainsi s'explique sans doute la prédilection des adolescents pour ce genre d'endroit, leur penchant à s'installer dans des escaliers comme celui-là, à se tenir dans l'entrebâillement des portes, à s'asseoir sur les murets, à s'agglutiner à des arrêts de bus, à courir sur les traverses d'une voie ferrée, à regarder du haut d'un pont. Passagers en transit, consignés dans l'entre-deux."

A découvrir pour sa beauté formelle et son originalité, la bande-dessinée Là où vont nos pères de Shaun Tan, dessinateur australien aux origines malaisiennes, The Arrival en version originale. Splendide métaphore d'une histoire universelle de l'immigration.
Un homme fuit son pays, une contrée grise hantée par un mal mystérieux pour une nouvelle vie dans un pays aussi prospère que déroutant pour les nombreux immigrants qui y arrivent en masse. L'homme laisse derrière lui son épouse et leur petite fille, espérant les faire venir plus tard à leur tour, une fois qu'il se sera installé et aura trouvé les moyens de gagner sa vie. Il doit tout apprendre des coutumes et habitudes de ses nouveaux concitoyens, passer au crible des services sociaux, trouver du travail, seul dans un environnement d'abord hostile, puis, de plus en plus amical et maîtrisé. Notre homme est en effet aidé dans son cheminement par d'autres immigrés qui l'accueillent et lui raconteront tour à tour les raisons de leur exil dans ce nouveau monde, transportant avec eux la mémoires de pays rongés par la guerre, la pauvreté ou la dictature, et comment ils y ont trouvé la stabilité et le bonheur.
Cet album est très particulier. Entièrement muet, il est composé de dessins très réalistes qui décrivent cependant un univers onirique, les décors aux teintes sépias imitent d'anciennes photographies tout en construisant une géographie imaginaire. Le territoire où s'installent les protagonistes ressemble ainsi à une version fantasmée des États-Unis, pleine de symboles et de constructions étranges, fourmillant de petits animaux hybrides, protecteurs et compagnons de la population des infortunés. L'ensemble constitue une véritable claque visuelle servie par un profond humanisme que je recommande vivement.
Terminons par un brin de copinage, je vous met la vidéo d'une belle prestation d'un groupe de connaissances. Rendez-vous dans un mois, fin août, pour la rentrée - j'aurais peut-être du travail à Paris ! - et la reprise des articles, je posterai sans doute d'ici là quelques suggestions de lectures et autres découvertes culturelles sur facebook, quoiqu'il en soi bon été à tou-te-s !

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