Bonheurs universitaires

Bonjour, ce matin, une note sans prétention sur le petit monde des universités, souvent jugé trop élitiste et sérieux. Les vicissitudes et bonheurs de la vie universitaire ont pourtant été traités dans nombre de fictions de manière drolatique, nous l'examinerons aujourd'hui à travers un roman et une bande-dessinée.
Changement de décor/Changing places de David Lodge, paru en 1975, est le premier tome d'une trilogie articulée autour des universités, qui dissèque le microcosme et l'habitus des professeurs, chargés de cours et étudiants, épinglant avec talent leurs travers.
Le récit s'ouvre sur deux professeurs de littérature anglaise - l'américain Morris Zapp et l'anglais Philip Swallow - se croisant au dessus de l'Atlantique en avion. Ils viennent d'échanger leurs postes respectifs pour une durée de six mois, l'un est un spécialiste de Jane Austen issu d'une brillante université de la côte ouest très sûr de lui, l'autre un professeur timide venu d'une école des Midlands obscure et corsetée. Nous sommes à la fin des années soixante, époque de révolution sociale, politique et sexuelle, et le changement de décor des deux hommes, qui découvrent chacun le lieu de travail mais également l'entourage professionnel et familial de l'autre entraînera bien des séismes. On alterne les points de vue au départ diamétralement opposés des deux protagonistes, entrelacés par un narrateur malicieux, qui bâtit la progression de son intrigue à partir de plusieurs matériaux, narration linéaire, correspondance entre les divers personnages, articles de journaux lorsque l'actualité des manifestations estudiantines contre la guerre du Vietnam s'invite dans leur petite histoire, et même une mise en scène théâtrale. L'ensemble, enrobé d'un sens de la dérision tout britannique, forme une lecture excellente et divertissante, à conseiller à partir de la fac ou à la fin du lycée pour les lecteurs les plus précoces.

La bande-dessinée Carnets de thèse parue au mois de mars, scénarisée et illustrée par Tiphaine Rivière, elle-même ancienne thésarde en lettres qui s'est tournée vers le dessin, prend elle aussi le parti de l'humour pour décrire le quotidien d'une jeune chercheuse.
Jeanne Dargan, jeune professeure de collège en ZEP, fraîchement acceptée en thèse littérature, se réjouit de quitter son morne train d'enseignante pour la vie plus exaltante des doctorants. La joie de pouvoir décider soi-même de ses horaires, le travail auprès des meilleurs spécialistes des plus grands écrivains, les colloques internationaux et les cours de lettres aux étudiants forcément plus matures que de jeunes collégiens... La réalité se révèle cependant plus contrastée, et finira par virer au chemin de croix. Jeanne se retrouve tout d'abord face à une absence de financement qui la contraint à travailler dans l'administration de l'université auprès d'une secrétaire au redoutable pouvoir d'inertie, première borne d'une série d'obstacles avant le Graal de la soutenance. Solliciter en permanence un directeur de thèse prêt à tout pour se dérober à ses devoirs, tout en recrutant un maximum de thésards destinés à entretenir son prestige, supporter la compétition féroce et la morgue infatuée de nombre d'universitaires, assister au naufrage de son couple miné par l'omniprésence des écrits de Kafka, pour finir par se demander à quel avenir mènera cette thèse... Un très bon roman graphique, caustique et pertinent, sur les difficultés des jeunes chercheurs, qui fourmille de trouvailles visuelles cocasses - bulles de personnages bavards envahissant l'espace, métaphores animalières ou cinématographiques, etc. - que je recommande à un public plutôt adulte, spécialement aux étudiants et universitaires ! En supplément le blog de Tiphaine Rivière et un site de gifs animés http://cielmondoctorat.tumblr.com/
Terminons sur un morceau entraînant de pop-folk, à bientôt !

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