Les mutants

Bonsoir, profession oblige, je passe mes journées avec de jeunes adolescents, les aide dans leur travail et éventuellement dans leurs choix de lecture. Ceux-ci se se révèlent plutôt divers dans l'ensemble, on me demande des récits du quotidien, historiques, policiers, des histoires vraies rapportées telles quelles ou romancées, mais l'un des genres les plus prisés semble quand même être le fantastique sous toutes ses déclinaisons. Un petit garçon m'a affirmé que tant qu'il y voyait le mot "zombie" un livre lui semblait prometteur, deux filles à qui j'ai demandé ce qu'elles aimaient dans Twilight, m'ont dit qu'en dehors de l'histoire d'amour, c'était le côté irréel qui les attirait le plus. Pour quelles raisons ?
Le succès des Harry Potter avait beaucoup étonné à ses débuts, qu'est-ce qui pouvait expliquer un engouement aussi prononcé des adolescents pour ces histoires de sorcellerie dans une vieille école anglaise dépourvue de toute technologie moderne.  
Une petite parodie Twilight/Harry Potter
Certains spécialistes ont avancé l'hypothèse que les enfants, à cette période particulière de leur développement, avaient besoin d'un peu d'évasion pour affronter la dureté du passage à l'âge adulte et tous les bouleversements de la puberté. Il faut bien laisser ces pauvres petits rêver un peu, mais pas trop quand même des fois qu'ils perdent contact avec la réalité...
D'autres, un peu moins crétins, ont entrevu que les adolescents cherchaient peut-être simplement dans ces récits, des réponses aux questions auxquelles les adultes ne peuvent répondre et que la fiction fantastique pouvait être un cadre rassurant où étendre ses angoisses et fantasmes pas toujours avouables. Changer de corps, de mentalité, être capable de construire sa vie, d'avoir une sexualité, d'engendrer, entraînent bon nombre de pensées et peurs irrationnelles dont il est très difficile de parler tant la crainte de passer pour fou ou anormal est présente.
Une de mes découvertes et coup de coeur récent en bande-dessinée, Black hole de Charles Burns, illustre bien cette étrange façon de se voir, sentir et considérer les autres. C'est l'histoire d'une bande d'adolescents dans une banlieue américaine des années 70, vivant leurs études, amours et projets atteints d'une étrange maladie transmissible par contact sexuel. Maladie nullement dangereuse mais provoquant de surprenantes mutations, plus ou moins spectaculaires, de la petite éruption de boutons, à la mue, l'apparition d'une petite queue, d'une bouche sur le cou confiant ses peurs dans le sommeil, ou la déformation totale du visage. Tout ceci n'étant ni plus ni moins que l'extériorisation du malaise de ces jeunes gens face à leur métamorphose pubertaire, révélateur des tensions, désirs et exclusions au sein de leur communauté.        
Devoir changer de peau, passer par une phase disgracieuse pour devenir adulte,


 découvrir l'attrait de la sexualité en même temps que sa bizarrerie, l'étrangeté des corps, le sien comme celui des autres,

vivre un tourbillon de faits, découvertes, souvenirs, émotions et pensées diverses... 

Cette bd un peu particulière ne devrait pas plaire à tout le monde, mais je la conseille à ceux qui aiment les claques graphiques et n'ont pas peur de ce type d'atmosphère. Pour terminer une petite chanson ensoleillée et entraînante, spéciale dédicace à ceux qui rêvent de l'été et de belles destinations comme Barcelone, à la semaine prochaine !





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