Effondrement

Bonjour, en ces temps d'extinction de masse de la biodiversité, découvrons aujourd'hui un roman touchant, Le dernier des siens de Sybille Grimbert, paru en août 2022, qui s'intéresse à la disparition de l'espèce du grand pingouin.

Le récit débute en 1834, sur l'île d'Eldey, par la scène aussi brève que brutale d'un massacre de grands pingouins par des marins. Seul un oiseau en réchappe, recueilli par Gus, jeune naturaliste dépêché par le musée d'histoire naturelle de Lille pour documenter la faune des terres boréales. Le savant ne voit d'abord dans cette bête qu'une curiosité de la nature dont l'étude pourrait lui assurer la reconnaissance de ses pairs, avant de s'attacher à son petit compagnon dans sa singularité. Le pingouin, baptisé Prosp, se laisse quand à lui progressivement apprivoiser, tout en conservant sa spontanéité d'animal sauvage. Une décennie passe, Gus fonde une famille et continue d'arpenter les mers du nord où les populations de grands pingouins s'amenuisent. Quelques mois après une tentative ratée de réintroduction de Prosp parmi les siens, il lui faut se rendre à l'évidence : l'espèce s'éteint. Dès lors, quel sens donner à l'existence de ce survivant ? Inoubliable portrait d'un animal, dans sa relation à l'humain comme dans son irréductible liberté de créature sauvage, ce roman questionne avec intelligence notre rapport au vivant. Le parcours des protagonistes illustre, en écho aux préoccupations actuelles, les prémisses de la conscience écologique à une époque où l'on commençait tout juste à théoriser l'évolution des espèces, et la responsabilité des hommes dans leur effondrement. Il en résulte un ouvrage émouvant et perspicace que je conseille dès le lycée à tous les lecteurs soucieux de la protection des animaux.

The Great Auks at Home par John Gerrard Keulemans, in Catalogue of the Birds, British Museum (1874-1898)

Terminons par la mise en musique d'un poème de Prévert, à bientôt !