Destin aquatique

Bonjour, pour clôturer ce mois de février en nous souhaitant de meilleurs nouvelles pour le printemps, retour à la littérature fantastique contemporaine avec un bref et ténébreux récit Fils de l'eau/Agami de la romancière sud-coréenne Gu Byeong-mo, paru en France en 2013.

De nos jours, quelque part en Corée, une jeune femme tombée d'un pont dans les méandres pollués d'un fleuve est secourue par un homme étrange, prêt à braver les flots avec vaillance, la peau aussi chatoyante que celle d'un poisson. Ce mystérieux sauveteur, qui n'en est pas à son premier exploit, s'éclipse sitôt que l'on cherche à percer le secret de sa nature. Bien des années plus tôt, il n'était qu'un petit garçon ordinaire que son père avait voulu entraîner dans la mort en se jetant à l'eau avec lui. L'enfant ne survécut que par miracle, grâce à une mutation inopinée le dotant d'une paire de branchies. Recueilli par un vieillard et son petit-fils, l'enfant-poisson, baptisé Gon, grandit dans le campement au bord du lac où s'est produite sa métamorphose. Tenu à l'écart du monde par son frère adoptif, jaloux et violent, le garçon s'épanouit loin du regard des hommes, dans l'exploration du lac et des cours d'eau. Jusqu'au jour où un drame le forcera à prendre la fuite. Tour à tour objet de rancœur et de fascination, Gon apparaît comme un personnage de conte merveilleux, pur et généreux, égaré au sein d'une société brutale dans laquelle il choisira pourtant de venir en aide aux autres. La plume de l'autrice, empreinte de noirceur et de poésie, navigue avec fluidité entre réalisme cru et grâce onirique pour délivrer dans les dernières pages sa propre morale face aux pénibles réalités de son pays. Il en résulte un conte moderne mélancolique que je conseille à tous les publics amateurs de fantasmagories émouvantes.

Minhwa eohaedo/Poissons, dessin folklorique anonyme période Joseon

Terminons par la prestation d'un ensemble traditionnel coréen, à bientôt !