Enéide féminine

Bonsoir, aujourd'hui retour aux mythes antiques et aux lettres classiques avec Lavinia d'Ursula K. Le Guin, beau roman paru en France en 2011, relecture de l'Énéide, le long poème épique inachevé de Virgile, d'un point de vue féminin.
Dans l'épopée d'Énée, l'illustre guerrier exilé, rescapé de la chute de Troie, fils de la déesse Vénus/Aphrodite et fondateur de la dynastie des futurs souverains de Rome, le personnage de Lavinia n'est qu'un prétexte narratif sans relief. La dernière épouse du héros qui, en tant qu'héritière du royaume du Latium, lui offre la couronne et la possibilité de rebâtir un empire après qu'il ait vaincu sa cohorte de prétendants. Par un tour de passe-passe littéraire, l'autrice change la vierge muette en narratrice sagace dépositaire d'une histoire déjà écrite. Lavinia est en effet, dès les prémisses du récit, mise au courant de son déroulement aussi bien que de son propre caractère fictif. Elle a croisé dans un sanctuaire reculé l'ombre du poète Virgile mourant qui lui a confié sa déception de ne pouvoir terminer son œuvre et se rachète du rôle médiocre qu'il lui attribué en lui livrant ses secrets. La princesse se retrouve donc tout à la fois libérée par ce savoir des projets matrimoniaux de ses parents et entravée dans la toile d'un futur sur laquelle elle n'a pas de prise. Quoique j'ai été légèrement déçue que Lavinia ne se rebelle pas plus ouvertement, sa révolte demeurant assez sage, je ne peux que conseiller ce récit lyrique et érudit, hommage à Virgile et belle restitution du Latium de l'âge de bronze doublée d'une réflexion jamais pesante sur le destin et le travail d'écriture, à tous les publics dès le lycée.
 
Terminons par l'évocation en musique des amours de Didon et d'Énée, à bientôt !

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