Au poil

Bonsoir, face à l'actualité française plutôt agitée ces derniers temps avec le passage en force de la très impopulaire loi travail, et la répression de la contestation qui s'en suit de la part de Nuit debout - lire également l'excellente chronique dessinée de Julie Maroh à ce sujet - je vous propose aujourd'hui deux ouvrages sur un sujet d'apparence plus triviale mais bien plus politique qu'on ne le pense : le poil.

Poil, cheveux, cils et sourcils font partie des signes extérieurs les plus visibles de notre animalité ainsi que des quelques éléments du corps qui peuvent s'en détacher, repousser et être découpés et ouvragés de multiples manières. Le traitement et les significations imposés au poil ont leur histoire dont on peut découvrir un aperçu dans le recueil Histoire du poil, publié en 2011, rédigé par un collectif d'universitaires dirigé par Marie-France Auzépy et Joël Cornette.

Érigé en symbole de sauvagerie et de saleté ou à l'inverse de courage, puissance virile et sagesse, le traitement du poil a connu d'infinies variations à travers les âges et les cultures comme marqueur social, signe politique, éthique ou religieux. De Sumer à Babylone, on procédait à la divination en auscultant leur couleur et leur longueur, la cour du roi-soleil vit la consécration de la perruque, mode engendrée par la calvitie précoce du monarque. En Chine mandchoue, le port de la natte était obligatoire par décret impérial pour marquer l'hégémonie de l'état sur ses sujets alors que dans la Turquie contemporaine, la forme de la moustache est un indice d'appartenance à telle ou telle mouvance politique. Les poils féminins, à l'image de l'envoûtante chevelure de Marie-Madeleine, furent de tous temps synonymes de sensualité et de tentation et par conséquent souvent épilés ou domestiqués et voilés avec soin, voir à ce sujet cette passionnante étude. Les poils exubérants des personnes atteintes d'hypertrichose - une affection entraînant l'apparition d'une pilosité abondante et envahissante - leur valut d'être exposé dans des cirques comme femme à barbe, chaînon manquant ou homme-chien. Les mythologies des cinq continents regorgent d'histoires prêtant aux poils des vertus magiques, à l'image des cheveux de Samson, garant de sa force surhumaine; le poil fut également ausculté de près par la psychanalyse ! Je conseille cet ouvrage, érudit et passionnant à tous les publics dès le lycée, le propos étant parfois ardu mais quelquefois hilarant !

Marie-Madeleine par Artemisia Gentileschi (1631)

Voici un autre traité, érudit et malicieux, plutôt conseillé aux messieurs et aux femmes curieuses de connaître les dessous du sujet, Jamais sans ma barbe de Carles Suné, illustrée par Alfonso Casa, paru en France en mars 2016. 

 

Qu'on se le dise, la barbe n'est pas qu'un caractère sexuel secondaire masculin, c'est aussi une philosophie de vie ! Depuis quelques années le port de la barbe est revenue à la mode en force, surtout chez les hommes jeunes, avec tout un marketing associé. Ce manuel, tiré d'un blog espagnol, présente de manière humoristique avec petits dessins, croquis et photographies choisis une étude de ce regain d'intérêt pour la pilosité faciale. On y déroule l'histoire de la barbe et des barbus les plus célèbres, Léonard de Vinci ou Marx, quelques considérations sociales et économiques sur le port de la barbe - barbus hirsutes, hipsters ou salafistes n'entrant pas précisément dans les mêmes catégories par exemple - comme l’essor récent des échoppes de coiffeurs-barbiers. Et enfin de multiples conseils pour faire pousser et entretenir sa barbe qui, comme la chevelure demande un soin constant. N'importe quel type de barbe, avec ou sans moustache, ne s'accorde pas à n'importe quel type de visage. Je conseille ce livre si vous êtes barbu ou comptez le devenir, ou encore si vous avez des barbus dans votre entourage ;)

 

Terminons par l'une des chansons les plus populaires des soldats de la grande guerre, 

dits poilus, à bientôt !