Crimes et commémorations

Bonsoir, le week-end passé je suis allée aux journées du patrimoine à Meaux dont j'ai visité la cathédrale et le nouveau Musée de la Grande Guerre, site passionnant, interactif et instructif que je recommande à tous les publics. Ces deux dernières années ont été riches en commémorations d'évènements historiques avec entre autre le centenaire de la Première guerre mondiale, du génocide du peuple arménien, les soixante-dix ans de la fin de la Seconde guerre mondiale et de la libération des camps de concentration nazis, etc. Nous allons parler aujourd'hui de fictions historiques abordant non seulement les deux guerres mondiales et les génocides des populations arméniennes et juives mais également la manière dont la mémoire des morts et des vivants, s'est perpétuée jusqu'à nos jours.
La bande-dessinée Le Cahier à fleurs scénarisée par Laurent Galandon et illustrée par Viviane Nicaise dont les deux tomes sont parus en 2010 et 2011 prend pour fil conducteur entre deux personnages et deux époques une partition de musique.
L'histoire débute à Paris, un jour de 1983, lors d'un récital donné par un jeune violoniste turc. Au détour d'un morceau, un vieil homme, Dikran Sarian, tombe évanoui à l'écoute de cette mélodie venue réveiller d'affreux souvenirs, enfouis depuis des décennies. Au musicien venu à son chevet par courtoisie mais aussi curieux de connaître les raisons de son malaise et l'origine de sa partition, rédigée sur un simple cahier légué par ses grand-parents, le vieil homme alité raconte son enfance heureuse auprès de ses parents luthiers et de sa sœur aînée Mayranouche, violoniste de talent. Époque dorée qui s'achève en 1915 avec brutalité par le massacre de leur famille, déportée et assassinée sur ordre du gouvernement turc, les populations arméniennes étant jugées une menace pour l'unité de la nouvelle nation turque suite à l'effondrement de l'empire ottoman. Les survivants arméniens furent contraints de s'exiler ou de s'intégrer à la population turque, abandonnant leurs coutumes, leur religion, leur histoire et jusqu'à leurs noms. Une bande-dessinée honnête et sensible au dessin réaliste délicat qui rappelle un épisode historique encore tabou - le gouvernement turc refuse toujours de reconnaître le génocide arménien - que je conseille à tous les publics à partir du collège.
Le film Le labyrinthe du silence/Im labyrinth des Schweigens de Giulio Ricciarelli, sorti en France en 2014, s’intéresse à la genèse du procès de Francfort où, pour la première fois, d'anciens officiers nazis furent jugés par leur compatriotes.
Le récit débute en 1958, Johann Radmann, jeune procureur s'ennuie à traiter des contraventions routières lorsqu'un journaliste lui propose de s’atteler au traitement d'un dossier spécial : l'inculpation d'anciens officiers SS ayant servi au camp d'Auschwitz. A cette époque le silence et le déni règnent dans une Allemagne qui préfère tout oublier de la guerre et se tourner vers l'avenir. Des centaines d'anciens fonctionnaires nazis ont réintégré l'administration sans être inquiétés,  côtoyant parfois certaines de leurs anciennes victimes juives rescapées des camps d'extermination. La reconnaissance des crimes nazis, le devoir de justice et de mémoire envers les victimes prendront de longues années de travail, d'enquête et d'interrogations, pour les protagonistes mais aussi pour tout un peuple qui fait face à ses responsabilités, collectives et individuelles. Comment pour les jeunes générations accepter de vivre avec la conscience que leurs parents ont été des meurtriers ? La mise en scène, classique et sobre, et le traitement historique, passionnant et complexe, donnent un excellent film-dossier que je conseillerais à tous dès l'âge du collège ou du lycée. Ses qualités formelles en font un document pédagogique idéal pour discuter d'histoire et de mémoire avec des publics adolescents.
Terminons sur une note plus légère, par un petit air de rock allemand antimilitariste
chanté par Nina Hagen, à bientôt !

Commentaires

  1. Merci pour toutes ces idées de lectures et de films, dans une production de plus en plus standardisée ! Un vent de fraîcheur.

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  2. De rien, j'écris aussi ces articles pour mon plaisir, le prochain sujet devrait te plaire !

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