Tentations terrestres

Bonjour, ce matin pour changer d'horizons, nous allons parler de religion, d'engagement spirituel et de la vie terrestre sous toutes ses formes à partir d'une série contemporaine et d'un roman de la Renaissance. Ce mois d'octobre est passée sur Arte la seconde saison de la série Ainsi soient-ils débutée l'an passé. Fait original, cette fiction se déroule dans un séminaire et a pour protagonistes de futurs prêtres. A première vue rien de très palpitant, comment accorder le débit scénaristique frénétique de ces habituels programmes télévisés avec l'existence a priori chaste et studieuse d'aspirants ministres des cultes ?

Le récit débute donc au cœur de Paris dans le paisible séminaire des Capucins présidé par ancien prêtre ouvrier plutôt progressiste. C'est la rentrée des classes pour les séminaristes, la caméra suit cinq jeunes hommes engagés, sûrs de leur foi et de leur désir d'être prêtre mais au fonds fragiles. On comprend vite que pour nombre d'entre eux, le désir d'atteindre le ciel et la sérénité s'unit à la volonté de fuir l'univers extérieur, oppressant et aliénant. Fuir l'oppression de l'argent et du statut social, la superficialité des autres, les difficultés familiales, une sexualité vécue dans la honte ou même le crime et la violence. Ni l’Église qui connaît ses propres luttes de pouvoirs et ses difficultés financières, ni leurs vœux pas si faciles à tenir n'y pourront rien, le monde se rappelle à eux sous toutes ses formes des plus conventionnelles aux plus inattendues.

Je ne peux mesurer avec certitude le degré de crédibilité du scénario. En tant que non croyante mais élevée dans un milieu protestant impliqué dans la religion puisque mon grand-père paternel était pasteur, le côté social de la vie d'homme d’église, la tenue d'une paroisse et les questionnements autour de la foi me sont familiers, en revanche tout le cérémonial et les fastes de l’Église catholique ainsi que les problématiques liées à la sexualité me paraissent très romanesques ! C'est en tous cas un divertissement intelligent que je vous conseille.

Ces thèmes de la spiritualité, de la recherche du divin, du désordre des sentiments humains,et des instances religieuses perverties, ont été abondamment traités dans l'histoire littéraire, en particulier à la Renaissance. Marguerite de Navarre (1492-1549), femme de lettres, mécène, sœur de François Ier et grand-mère d'Henri IV a réalisé une synthèse de ses problématiques dans son œuvre majeure L'Heptaméron.

L'Heptaméron est un roman inachevé publié après la mort de son auteure en 1558. Il se présente comme un condensé de soixante-douze courtes nouvelles réparties sur sept jours contées par un groupe de voyageurs retenus dans une abbaye par de trop fortes pluies ayant entraîné la crue d'une rivière qui inonde leur chemin. Des hommes et des femmes d'âges et de conditions différentes qui échangent pour passer le temps sur les travers de leur société, brutalité des hommes de la noblesse qui, lorsqu'ils ne font la guerre, rivalisent de prouesses et défis stupides, hypocrisie et lubricité des ecclésiastiques, flagornerie et cupidité des puissants entre eux, difficile condition des femmes et quête sans fin d'un amour juste et heureux au delà des tentations terrestres. La structure de ce roman est inspirée de celle du Décaméron un recueil de récits répartis sur dix journées, rédigés entre 1349 et 1353 par l'italien Boccace qui marqua à l'époque le genre de la nouvelle. A lire avec patience pour les curieux de littérature, le texte en ancien français est un peu ardu à saisir. Ci-dessous, Marguerite de Navarre présentant son livre "Le coche et le débat d'Amour" à la Duchesse d’Étampes au Château de Chantilly.

Terminons sur une vidéo disséquant l'appel divin sous toutes ses coutures, à bientôt  !