Arborescence

Bonsoir, nous parlerons aujourd'hui d'une discipline peu connue, la psychogénéalogie, à travers deux livres, un roman et une autobiographie, à la fois témoignage et étude clinique d'un phénomène. 
La psychogénéalogie considère que, de la même manière que l'on transmet ses gènes, des ressemblances et aptitudes physiques et psychiques à ses descendants, on leur lègue un bagage intérieur inconscient de secrets, blessures, rêves inavoués, etc, qui influenceront leurs destinées.
Par exemple, on choisira d'exercer telle profession ou de faire sa vie avec telle personne alors qu'au fonds de nous-même ces décisions ne nous paraissent pas réellement satisfaisantes. Elles semblent cependant nous combler, car, en réalité, ces choix sont venus répondre au désir inavoué de l'un nos parents ou ancêtre plus lointain. En bon fils ou bonne fille, nous sommes donc heureux d'avoir comblé cette faille au détriment de nos propres désirs paraissant plus inquiétants et moins compréhensibles que ces recommandations familiales implicites. Il ne s'agit pas d'affirmer que le devenir d'une personne soit entièrement gouverné par les vœux de sa famille, le libre-arbitre demeure, mais plutôt que l'histoire d'une lignée peut avoir un certain poids dans les événements importants des vies de ses membres. C'est le thème du roman Le Temps joue pour toi, de Florence Bonifaci, publié en août 2013.
On y suit Selena, jeune quadragénaire habitante d'une ville du sud. Femme aux multiples vies, naviguant entre des jobs, des amitiés et des amours instables et mère d'une grande adolescente, elle se sent, malgré une bonne humeur inoxydable, constamment ballottée par les événements plutôt qu'actrice de son existence. Lui reste aussi la sensation d'être exilée, sans attaches, depuis son départ de sa Corse natale, suite au divorce de ses parents lorsqu'elle était encore enfant. C'est de cette terre ancestrale vers laquelle elle se retourne que lui viendront certaines réponses à des questions jusque là verrouillées par un lourd silence familial. Émergera l'histoire d'une de ses aïeules, femme libre mise au ban de la société dont la destinée tragique bouleversera plusieurs générations. Ce roman est inspiré d'une histoire vraie, il se trouve que je connais Florence Bonifaci. Elle m'a parlé des recherches généalogiques qui l'ont poussé à l'écrire ce récit qui rend hommage à l'une de ses ancêtres corse, emprisonnée au bagne de Toulon où elle donnera naissance à un enfant, suite à de romanesques péripéties que je ne dévoilerai pas pour ne pas gâcher votre lecture.

Le second livre, Renaître grâce à la psychogénéalogie de Noëlle Le Dréau est à la fois un témoignage et le décryptage brillant et parfois drolatique malgré son sujet grave des fondements d'une famille dysfonctionnelle.
Noëlle Le Dréau est née en 1946, issue d'un milieu modeste d'apparence banale et chaleureuse. Aînée de quatre enfants, elle est la favorite de sa mère qui en fait sa confidente, ses parents placent en elle de grands espoirs de réussite sociale et lui offrent les meilleures écoles. Vue de l'intérieur, la situation est plus complexe et bien moins reluisante, le cadre familial idéal se révèle une cellule close étouffante, la petite fille puis l'adolescence s'y trouve prisonnière d'un chantage affectif et de manipulations permanentes ainsi que victime d'agressions sexuelles de son père. Bien des années plus tard, la cinquantaine atteinte, Noëlle se décide à révéler au grand jour ce secret qui la mine, en guise de réponse, ses proches la rejettent, l'accusant de faire une montagne de peu de choses et de vouloir briser l'équilibre familial. C'est donc libérée, accompagnée de son nouveau compagnon et d'un de ses enfants l'ayant toujours soutenue, qu'elle entreprend de remonter, génération après génération, l'histoire de ses parents et aïeux pour comprendre le cheminement qui mène une lignée à s'enrouler sur elle-même et pousser ses membres à commettre le crime d'inceste. L'ouvrage est passionnant et un travail remarquable sur les mécanismes familiaux conscients et inconscients, la répétition des dates, le choix des prénoms, les marques affectives des lieux, les deuils non "digérés", le tout régulièrement balayé par les aléas historiques extérieurs; autant d'éléments significatifs pour une recherche généalogique.  
Pour en savoir d'avantage sur le décryptage d'une lignée, la manière de lire un arbre généalogique, plus d'informations sur son site, le lien ci-contre. http://www.racontemoimonarbre.com/spip.php?article10
Et une chanson généalogique québécoise pour conclure, du groupe bien nommé "Mes aïeux" à bientôt !

Commentaires

  1. Que l'on recherche dans sa généalogie ce qui pourrait expliquer un mal-être dont on n'arrive pas à se défaire, soit. Mais il y a le risque que notre histoire personnelle présente,emprunte à l'histoire ancienne et considère comme une fatalité de devoir la reproduire. Il me semble que certains psychiatres ont attiré l'attention sur les méfaits aussi que pouvait occasionner la psychogénéalogie.

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    1. Bien sûr ! Je n'ai jamais affirmé que la reproduction était une fatalité ou que l'on était pas du tout libre de ses choix dans la vie, il s'agit d'influences subtiles mais qui peuvent tout de même peser lourd dans le cas de secrets ou d'habitudes familiales néfastes comme dans les cas que j'ai cités.

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  2. "On ne dira plus: les parents ont mangé des raisins verts et les dents de leurs enfants en ont été agacées!"

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  3. Impossible pour moi de connaitre l'histoire vraie de mes parents ......
    Tout ne fut que mensonges entassés les uns sur les autres ......
    Donc j'ai renoncé à savoir objectivement .......
    Le savoir que j'en ai je m'en suis saisie par l'irrationnel le plus complet et pourtant il me semble ..... Mais tout cela n'est qu'une reconstruction peut être ......
    Alors , aujourd'hui j'ai tout envoyé ces histoires dans le néant .

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  4. Ce 9 juin 2016, je prends connaissance de votre article sur mon livre Renaître grâce à la psychogénéalogie .
    Je ressens beaucoup de gratitude envers vous qui avez tracé en quelques lignes ce témoignage de façon remarquable, juste et sensible. Je me permets de le poster sur ma page facebook Secrets de Famille, Psychogénéalogie Inceste. Un grand merci à vous.
    Noëlle Le Dréau

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